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Le blog de didier falleur pensées nomades

Le poivron et la planète

didier falleur

Alors que je parle avec mon ami J., je remarque qu’il y a un beau poivron bien rouge dans son panier et je ne peux m’empêcher de lui dire que ce n’est pas vraiment la saison des poivrons et il me répond tout innocemment : 

» J’en avais envie »

« Ah mais je croyais que c’était réservé aux femmes enceintes d’avoir des envies subites comme ça, et toi t’es pas enceinte ? « 

Parce que ça peut faire des gros dégâts cette envie subite comme cette histoire du vacher qui a du tuer son unique vache parce que sa femme voulait manger de la viande. C’est un exemple comme un autre et ça fait maintenant partie du folklore traditionnel brésilien : O Bumba Meu Boï. Oui mais quand même, pauvre vache, alors que c’est vrai, un poivron ça paraît moins grave…..en proportion…. Mais multiplié par le million de poivrons, au bout du compte, ça fait pas mal de dégâts aussi.

Et voila…………

Si on prend en compte que ce poivron a parcouru au moins 1500km pour arriver sur l’étale de ce revendeur de poivrons et autre choses insolites en ces temps, sans compter les kilomètres supplémentaires s’il vient d’encore plus loin, ce qui est fort probable, on peut se demander pourquoi cet ami, nonobstant conscient de son acte, a quand même acheté ce poivron.

Et c’est là, à ce moment précis que je mets la notion de bien être en exergue.

Qu’est ce que c’est que se sentir bien, que de sentir qu’on fait du bien à quelqu’un, aux autres et à la planète ???

A mon avis, c’est de penser à tous nos actes, tout ce qui peut faire en sorte que nous allons œuvrer à ce qu’elle se porte le mieux possible et pour un futur serein et nous pouvons faire beaucoup car c’est évidemment dans chacun de nos actes individuels que les choses pourront changer.

Oui, et encore oui car si nous faisons attention à notre vie, c’est celle des autres qui sera impactée. Vous savez ?? Le fameux effet papillon….si je n’achète pas ce poivron qui vient de là bas, je ne participe pas au réchauffement climatique et à la détérioration du climat et de la vie des gens qui vont en être affectés en premier parce que nous, quand même on va être peinards un bon moment non, vous ne croyez pas ??? La montée des eaux va affecter en premier les îles du pacifique, le Bangladesh, et peut-être la Camargue, mais d’ici là, nous aurons pris des mesures mais pour eux, plus compliqué… non ???

Alors ce poivron, et bien non…. Refuser le poivron offert au marché, c’est refuser d’entrer dans le cercle vicieux de l’autocentrisme et du plaisir égoïste. Faire du bien à la planète c’est se faire du bien à soi même et aux autres.

Tenez c’est pareil dans l’autre sens : les poulets français élevés en batterie en Bretagne sont vendus moins chers en Afrique (congelés) que ceux élevés sur place. Comme le poivron espagnol moins cher que celui de Barbantane. Les fameux melons de Cavaillon viennent du Maroc. On apprend que des maraîchers cavaillonnais ont acquis 5000 hectares des meilleures terres arables dans ce pays pour les faire pousser. Estampillés ‘De Cavaillon’ sur les étales des marchés. 2500Km pour arriver chez nous. Main d’œuvre bon marché. L’homme est un marché, une valeur variable d’ajustement.

 

Sketch du Marché du Travail :

Bonjour vous avez quoi comme travail aujourd’hui sur le marché?

Ben j’ai un truc pénible et pas très bien payé ; vous ne ferez pas l’affaire, faut des gens résignés et qui réclament pas trop et puis j’ai un car entier d’équatoriens qui sont prêts à faire le boulot. Vous, vous allez demander des protections sociales, des heures bien réglées. C’est pas possible !!!

Ah bon ? Pourquoi ?

Ben on va pas gagner assez de pognon avec vous alors qu’avec EUX, c’est super rentable !

Ah d’accord, mais c’est pas légal ?

Légal, tout de suite les grands mots

Mais quoi d’autre alors ?

Ben j’ai manut chez Amazon, 39 heures mais faut pas traîner, y’a de la pression et du monde avant vous sur la liste.

Et sinon ?

Ben rien. Revenez en 2022

D’accord

Car c’est la clef, penser planétaire et global tout en agissant dans le local. Si le maraîcher local ne propose pas de poivron, c‘est bien qu’il ne pousse pas dans son jardin à cette époque alors il faut bien se contenter de ce qu’il nous propose et oublier les mirages que le revendeur d’à coté tente de nous refiler. Lui ne les a pas fait pousser mais les a achetés au marché de gros local et souvent aussi des invendus que les grandes surfaces ont dédaigné : trop gros , trop petit, pas assez ça, pas assez ci...

D’aucuns me rétorqueront qu’il n’est pas possible pour tout le monde d’acheter bio ou local car c’est plus cher….d’accord mais il leur est tout de même possible d’acheter le dernier écran plasmatique du dernier cri sans compter le Ifone qui vient de sortir. C’est marrant, ça c’est possible mais des légumes non ….je ne parle pas des voitures quoique dans le coin c’est plutôt des quatrièmes mains ou plus encore qu’on voit sur les parkings, pas les derniers modèles mais ça coûte de toute façon une blinde de rouler en caisse… tout le monde le sait quand il s’agit de passer à la………...caisse……………..

Mon ami R. qui travaillait pour une asso cycliste a essayé de passer dans le domaine pro avec des vélos qui valent plus qu’une blinde, plutôt deux même, et a vite déchanté en face des propos du patron de la boite et des enjeux induis par cette activité : le pognon avant tout et coûte que coûte ( air à la mode). Ça se comprend mais on n’est pas obligé d’adhérer.

De mon coté, j’ai aussi quitté le domaine professionnel dans lequel je travaillais quand je me suis rendu compte que les clients n’étaient devenus que des clients et non plus des passionnés qui venaient parler de leur passion et que nous tentions du mieux possible de dépanner. Fini le papier journal sous le blouson mais bienvenue la selle chauffante ! Alors c’est sûr, quand on se fait chauffer les couilles gratos (25000€ la moto tout de même), on devient de plus en plus exigeant et de plus en plus con….Adios !!

Quant au poivron, il ne faut pas oublier les conditions dans lesquelles il a poussé ce poivron. Serre en plastique, intrants multiples et des ouvriers agricoles souvent venus de loin pour échapper à la misère et à qui on confisque les papiers pour les esclavagiser. Je ne parle même pas des conditions de vie souvent réduites à des abris en plastique construits avec les restes des serres et chauffés avec ces mêmes résidus pétroliers… magnifique ce poivron…. Oh! qu’il va rendre ma cuisine heureuse avec sa belle couleur rouge (sang).

Alors bien sur, on peut ne pas savoir mais depuis le temps qu’on nous le rabâche…….à moins que…. à moins que…. non… ne me dites pas que la belle télé plasmatique du salon n’en parle pas ???

Oh putain…. J’avais oublié de détail.. on n’en parle pas….

Non, plutôt, on n’en parle pas assez, continuellement, tous les jours aux infos :

« N’oubliez pas, ce poivron a fait 1500km pour arriver dans votre assiette et a été récolté par trois maliens réduits à l’esclavage ».

Peut-être qu’au bout d’un moment, ça porterait ses fruits ou ses légumes aussi ?

Le poivron rouge de l’étale du marché n’est qu’un élément parmi tout ceux qui viennent perturber l’ordre naturel des choses et de la vie et tant que nous n’en aurons pas compris les conséquences, les abeilles, les insectes et le vivant en général continueront de mourir en attendant d’être les prochains sur la liste mais personnellement, si l’humain disparaît, la terre s’en portera bien mieux à condition que l’on y ait laissé un peu de vivant.

Le poivron et la planète

El Ejido, ville en plastique pour légumes en toc. Vue du poivron depuis un satellite

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