AUTOUR DE LA GUERRE D'ESPAGNE

Quand je passais à Portbou, je le faisais tout le temps en train et le train passe par un tunnel qui traverse les Pyrénées. Il ne me fallait que changer de train, d’un quai à l’autre, de la France à l’Espagne, en quelques enjambées, cela prenait quelques minutes. Et puis, un jour, j’ai décidé de faire ce voyage à vélo et la route passe par un col entre Cerbère et Portbou et à ce col, il reste des vestiges de cette guerre et de la Retirada, les longs mois où les espagnols fuirent la dictature fasciste qui s’installait dans leur pays. Presque que des catalans qui vivaient justement à cette frontière ou d’autres du sud de l’Espagne qui avaient déjà fui devant les armées de Franco et qui s’étaient retrouvés en Catalogne. A peu près 500.000 personnes sont passées par ce Coll Dels Belitres (ou Col des Balistres en français) abandonnant souvent leurs affaires après avoir attendues longtemps que la gentille police française les laisse passer pour les parquer dans des camps.

LE MEMORIAL DU COLL DELS BELITRES ------ COTE ESPAGNOL

Mais revenons un peu en arrière et arrêtons nous à Cerbère, la dernière gare française avant la frontière. Cette fameuse gare où les trains doivent s’arrêter car l’écartement des rails est différent entre les deux pays. Bonne mesure contre les invasions étrangères, parlez en aux allemands au sujet de guerre de Russie. C’était l’unique gare entre ces deux pays, les trains qui venaient de Paris et qui allaient jusqu’à Barcelone ou Madrid, le Talgo, (le Talgo pouvait rouler sur les deux types de voies sans s’arrêter mais à 10km/h) passaient par là. La nuit, ils s’arrêtaient longuement pour le changement de bogies. Ça faisait du bruit. Maintenant les trains rapides ne passent plus par là mais par Figueres et ce n’est plus du tout le même voyage. Mais quand même, depuis Portbou, on peut rallier Barcelone et le reste du pays en traversant lentement la Catalogne et en parlant avec les autre passagers.

La ville n’a pas beaucoup de charme à part ce magnifique bâtiment en forme de navire nommé « L’hôtel Belvédère du Rayon Vert », ça c’est un nom qui claque. Inscrit au patrimoine des monuments historiques depuis 1987, sa restauration se fait lentement.

L’HÔTEL BELVÉDÈRE DU RAYON VERT ET SA BELLE COLLECTION DE CARRELAGES DE CIMENT ET LE TALGO

Pour rejoindre l’Espagne, il y a un petit col à franchir, le fameux Coll dels Belitres. Pas haut mais raide et offrant un magnifique panorama et un super poste d’observation et la baraque des douanes est toujours là, rappelant l’époque où la frontière existait entre les deux pays. On peut atteindre le col à pied depuis la gare ou à vélo par une route en lacets et maintenant, chaque fois que je passe à ce col, je m’arrête longuement pour tenter de visualiser ces moments.

LE POSTE DES DOUANES EN 1939 - DEPUIS LE COL, VUE DE CERBÈRE ET PORTBOU DE L'AUTRE COTE

Et puis il y a la grande descente vers Portbou… et là je fais une pause ou je m’y arrête aussi pour la nuit car un autre monument mérite la visite, le mémorial à Walter Benjamin. Ce philosophe allemand a passé un long moment dans la ville en attendant son visa pour l’Espagne et son désir de rejoindre le Portugal pour gagner les US dans sa fuite des nazis et de la police française qui mettait toute sa hargne à poursuivre les juifs. Mais ce document lui a été refusé et il s’est suicidé à Portbou. Un monument rappelle cet évènement tragique sous la forme d’un grand escalier en acier qui plonge dans la mer. Au cimetière, une plaque symbolise une fausse tombe. On n’a jamais retrouvé son corps.

Il y a toujours des gens qui passent par ce sentier, des migrants qui tentent leur chance. J’ai retrouvé ce document abandonné à coté d’un sac et d’affaires éparpillées. Un autre jour, alors que je passais à vélo, des soldats français armés m’ont demandé si je n’avais pas vu quelqu’un sur la route comme ça. Ils surveillaient la frontière.

C’est à l’occasion d’une expo photo consacrée à Antoni Campaña au Pavillon Populaire de Montpellier (jusqu'au 10 décembre, grouillez vous!!) que je me suis replongé dans cette histoire. Ses photos retracent la vie à Barcelone au début de la guerre du coté des républicains et l’engouement général puis les bombardements et l’arrivée des troupes fascistes italiennes et allemandes qui défilent devant un public conquis à Franco. Des images fortes. Je n’ai gardé que les images qu’il a rapporté de la Retirada prises justement à Portbou et au Col.

Durant mon dernier voyage en Espagne à vélo, je suis passé par des lieux symboliques de cette guerre : Amposta, l’Aragon et Teruel et mes amis m’ont emmené à Higueruelas, un petit village perdu où des gens viennent vendre leurs produits lors d’un petit marché/brocante et je suis tombé sur ces gravures illustrant la férocité de cette guerre et les actes de barbarie qui ont eu lieu (des deux cotés) et j’ai aussi acheté ce disque. Voilà, en quelque sorte, la boucle est bouclée….