Je débarque en France après plusieurs années d’absence à parcourir les continents sud et nord américains. C’était génial mais j’arrive sans une thune. Heureusement, la petite sœur est là pour m’héberger. Elle habite chez des bourgeois de Ville d’Avray dans une petite piaule mais ça suffit. Le fils de la daronne travaille comme vendeur ou représentant dans une agence de photos et il me dit qu’une agence cherche un motard car le mec file chez Gamma (La classe. L’agence de Gilles Caron entres autres). Je me présente.
Et ça marche. Bon, au début je dois me contenter d’un petite mob de 125cc. L’ancien motard n’avait pas le permis ‘grosse’ mais je ne vais pas faire le difficile tout de suite. Je prends.
Mais moi, je l’ai ce permis et rapidement je fais jouer cet atout pour passer à une vraie moto. C’est dur de concurrencer les autres quand on se traîne à 100 sur l’autoroute lorsque les BM des potes filent à 180, même si c’est pas vraiment autorisé mais à cette époque, y’avait pas de radars…. Vavavoum !!!!
J’y vais molo avec le boss et j’opte pour une Suzuki 650GR (rare en France). C’est celle que j’avais en Floride et je l’aimais bien. Là, on me la paye, c’est cool !!! Les potes me diront : » Ebé, on te paye une moto neuve ??? « . Ben oui, je le mérite bien. »
La Suz fait le job mais au bout d’une année elle affiche déjà 65000km au compteur et les soucis arrivent. Joint de culasse. Je la confie à Daniel Motos qui fait BM d’un coté et les japonaises de l’autre. J’ai une idée derrière la tête. Vous pigez ???
Les mécanos sont pas terribles et à peine sortie du garage, ça recommence ? Z’ont du oublier de resurfacer la culasse. Alors qu’est ce qu’on fait hein ???? Ben on leur dit qu’ils peuvent la garder et je file voir les BM et même si le patron tique un peu, je ressors avec une K75 toute neuve. Mon statut de motard de presse prend du grade même si les potes trouvaient que je me débrouillais pas mal avec la Jap’.
La première K75C. 3 cylindres, 75cv. Ça roule…les autres ont tous des K100LT. Je trouve ça gros et lourd. La K75 est plus légère et plus maniable et en cas de chute, y’a moins de casse avec tous les plastiques des carénages… c’est un bon argument pour le trésorier. Un bon tablier en cuir et on est tout aussi bien protégé. Ajoutez à cela des poignées chauffantes dans des manchons et me voila paré pour les hivers les plus rigoureux et je peux vous dire qu’il y en a eu. Je ne me souviens pas de l’année mais des -17° ça oui. Le matin il me fallait verser une bassine d’eau chaude sur le moteur pour le dégeler. Une jour ça a été impossible et on a tout fait en voiture avec le chef de rédac’. La pauvrette couchait dehors. Après, j ‘ai trouvé un abri chez un pote qui habitait pas loin.
Avec elle j’ai fait des trucs assez fous comme suivre Madonna faire son footing dans les jardins du Louvre alors forcément quand il y a des escaliers, il faut les descendre
et ça donne ça…. Ça aide d’avoir fait un peu de trial. Le photographe descend les marches à pied tout de même, faut pas pousser. Vous pouvez le voir, il est presque en bas à droite. Résultat, une jante avant qui n’a pas du tout aimé une bordure de trottoir prise un peu vite. Je file chez Levallois Motos qui en démonte une d’une moto d’expo et je peux repartir. Qu’est ce qu’on se marre !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Le métier de motard de presse consiste la plupart du temps à récupérer les films des photographes de l’agence. Ils sont en planque ou dans des manifestations d’où ils ne peuvent pas bouger comme Roland Garros et son parterre de célébrités. Ils n’ont rien à foutre d’autre et ça fait la joie de la presse people quand ils ou elles exhibent leur dernière conquête, « Oh la vache, t’as vu avec qui il est ??? « Oh la vache !!!!! « Oh putain, c’est dingue !!!! »
Moi ça me fait bosser et ça me paye à la fin du mois et ça ne fait de mal à personne. Faut parfois aller plus loin que Roland, dans les aéroports par exemple car nous avons des correspondants qui nous envoient des films oui mais pas n’importe comment. Par des passagers. Pardon ??? Ben oui, dans les avions y’a des passagers alors quoi de plus facile que de leur demander de transporter des films avec eux. Non, tu déconnes….Non pas du tout, le gars nous appelle en nous donnant son nom et sa description et je l’attends à la sortie avec son nom sur une pancarte et voila. C’est pas cher et ça va plus vite que la poste.
Faut se figurer que je ne suis pas le seul à attendre et que les potes motards sont souvent là aussi car c’est souvent le premier avion qui part de là-bas et c’est là qu’il ne faut pas traîner pour rentrer car le premier arrivé à l’agence, c’est le premier qui donne les rouleaux au laborantin qui attend et c’est l’agence qui a les photos en premier qui peut les présenter aux journaux. Ça c’est le boulot des vendeurs, le gars qui m’a trouvé mon boulot c’était son boulot à lui.
Sur le chemin du retour, quand c’est pas trop bouché ça va, on roule à donf mais quand c’est les embouts, c’est là que ça se corse car il faut tout de même pas trop traîner et c’est là que j’ai appris à rouler assez vite entre les files de bagnoles. Jean Albert était certainement le plus fêlé d’entre nous et il s’amusait à se tenir debout et faire coucou aux passagers des bus. Sa K100 était tapée, arbres à cames racing, échappement itou et pneus Metzeler CompK et Olhins. Il passait son temps sur la roue arrière avec sa K100, fallait oser. Sa boite ne comprenait pas toujours pourquoi il devait changer ses peuneus tous les 1000km. Nous on savait mais on n’osait pas.
Je lui ai rendu souvent visite à l’hosto après un crash. Il me disait que même à poil il faisait sonner les portiques des aéroports tellement il avait de ferraille dans le corps. On se retrouvait souvent le soir après le boulot pour boire un coup. Il était marrant et bien élevé. Quand on s’appelle Jean Albert.
Jean Louis, lui, préférait le vieux R100RT. Un bon flat twin de derrière les fagots. Il le connaissait par cœur et m’a donné un max de conseils pour entretenir mon flat que j‘ai toujours d’ailleurs après 27 ans et 165,000km. Une grande tige de 1 mètre 80 qui faisait paraître sa moto minuscule. On le voit sur cette photo tout habillé en cuir.
Non je ne suis pas en bas résille, en talons hauts et manteau de fourrure mais bien avec le casque blanc).
Ça devait être un soir de boulot près de la gare de Lyon où on déposait nos paquets aux contrôleurs du train de nuit pour Milan. On leur filait 100 balles par enveloppe et nos correspondants transalpins les récupéraient le matin à l’arrivée du train. Plus rapide que la poste. On faisait pareil à la gare d’Austerlitz avec le Talgo pour Madrid. Les contrôleurs m’ont dit que si je voulais y aller un jour, ça ne poserait pas de problème. Je l’ai fait. Un AR pour Madrid gratos, ça se refuse pas. L’Italie et l’Espagne sont des pays très friands de ragots et de photos de princes et princesses et comme le boss passait pas mal de temps près d’un certain rocher et ses vacances à St Trop, ça faisait de la matière.
On s’arrangeait entre nous pour ne pas y aller tous tous les soirs. Un de nous prenait les enveloppes des copains et faisait la tournée. Il nous retrouvait au resto et on lui payait un coup. On était sensé bosser et le compteur tournait. Pas de celui du tableau de bord mais celui des heures bien sur.
Avec Jean louis on est devenus pote. J’allais souvent manger chez lui et on parlait de motos et Credence Clearwater Revival entre autre. Je lui ai acheté deux motos, une très mignone 125DT Yam et plus sérieux, une partie cycle Rickman qui faisait classe dans mon salon. Mes amis Bruno et Caroline avaient bien une T100 complète eux, alors vraiment. Elle a terminé avec un moteur de T150 dedans. Y’a pire comme destin. Mais c’est une autre histoire. Il a aussi changé le moteur de la BX des parents de ma compagne d’alors. Sans rien leur dire il a mis un 1600 à la place du 1400 poussif. Ça rentre impek.
Voilà sans compter les week-ends à Monthléry durant les journées Gérard Jumeaux où il tentait de vendre des bricoles sur un stand à même par terre. On a encore bien rigolé. Visez la gueule du stand et des patrons.
À l’époque j’avais acquis une Triumph 750 Tiger chez Britam, un atelier près de Marseille qui restaurait des motos et autres Belles Saloperie Anglaises (BSA). Je l’avais demandée suivant des options précises et elle était pas mal. Mais c’est vraiment pas une moto fiable et après être tombé en panne plusieurs fois, je l’ai revendue après avoir parcouru moins de 2500km en 5 ans. C’est vous dire. Sur la photo je me balade dans la Ste Baume avec Billy (le flat) et notre amie (petite) Priscille qui aimait bien les sportives. J’ai poussé un 260 compteur sur l‘autoroute entre Aix et la sortie Aubagne. Y’avait dégun. La Triumph, Le Flat et le CBR600 et dans l’ordre, Billy, Did et Pri.
Le boulot de motard continue avec cette sensation de liberté du fait d’être toujours dehors. Je profite de courses pour rendre visite à des amies qui bossent chez Moto Journal. Elles le sont toujours...mes amies…Plus chez Moto Journal.
Des moments inoubliables comme le jour où Angeli revient fissa de Gstaad avec des photos du Prince Charles qui vient de manquer de mourir sous une avalanche. Angeli devait planquer pas loin avec son 600 doublé. Bingo, y’a Scotland Yard qui débarque. Je ne sais pas combien ils ont raqué pour avoir les photos. Un autre fois, ce sont les fameuses photos de la princesse se faisant sucer les orteils, et pas que. Re-bingo, ils re-débarquent ? On ne rigole pas avec la famille royale. Du moment que ça rapporte et ça met de l’animation dans l’agence.
Tout seul je n’y arrive pas, et comme je ne veux pas me faire payer en heure sup mais en récup, je suis très souvent absent (les journées font souvent 12 heures) et on engage un autre motard. Le neveu de Billy.
Les photos qui arrivent le soir sont développées dans la nuit et il faut qu’elles repartent avec les premiers avions du matin pour Milan et Madrid quand ça urge. Même topo, on cause avec les gens à l’enregistrement et il y en a toujours un qui est d’accord. Du coup on lui demande s’il ne veut pas prendre aussi les photos des copains et il se retrouve avec toutes les enveloppes dans ses bagages. Vous imaginez ça aujourd’hui ?????
Il y a bien une fois où l’aéroport d’Orly nous a appelés pour nous dire qu’on avait retrouvé nos photos dans une poubelle. C’est le risque mais ce n’est arrivé qu’une fois si je me souviens bien.
Le plus classe, c’était de faire des passagers Concorde. Le premier je me souviens bien, j’étais en formation avec le motard que je devais remplacer. Ni ne ni deux, je m’adresse à un cowboy en Stetson et Santiag à bout pointe et hop il les prend. Mon collègue est soufflé. Je parle anglais et ça aide. Un jour, Air France nous a interdit de le faire pour «ne pas importuner leurs passagers». On a fait des frets par Concorde mais c’est plus cher. On peut pas gagner à tous les coups.
Je ne me suis jamais fait mal. Je n’en dirai pas autant de la fille que j’ai percuté alors quelle courait pour prendre son bus. Et paf, dans la pare-brise et des dents en moins. Elle s’est excusée du genre : » F’est de ma faute, efcusez moi ». Du coup j’ai été viré de l’assurance car déjà, à l‘époque, les piétons avaient le droit de faire n’importe quoi. Plus le droit de rouler avec le 750 pour un moment sinon à des tarifs prohibitifs. Il me fallait trouver une combine. Ça tombe bien, Levallois Motos vend aussi des Yamaha. Alors pourquoi ne pas prendre cette petite 250TDR qui me tend le guidon. Allez, ce n’est qu’une petite 250 et l’assurance n’y voit que du feu. Un petite 250 ? Tu parles Charles, matez le pedigree de la bestiole :
7 .000 tours/min, bicylindre 2 temps à valve YPVS mais passé le cap des 7000 il est pur plaisir. Les 44 chevaux sont bien aidés par le faible poids (136 kg à sec).
Si je calcule bien, 44cv pour 250cc ça fait du 176 chevaux litre. Allez tous vous rhabiller !!!!! Le pompiste est devenu un pote, tu parles ça devait sucer ses 10 litres au cent ce bijou.
Au bout d’un moment, j’ai de nouveau le droit de conduire des grosses et je reprends une K75. La petite TDR n’aurait de toute façon pas tenu le coup longtemps même si je m’honore de ne pas avoir serré avec malgré les conditions extrêmes d’utilisation. La pôvrette ………….. Mais quel fun et les roues arrières………….trop faciles !!!!!!
on fait un petit essai ???? :
https://www.youtube.com/watch?v=b-hR26LQkdY
Mais ce boulot est usant. Plus de 50000km par an le cul sur une selle, j’ai le dos en compote et le jour où je vois mon pote Patrick (alias PPP) allongé mort sur le périph à cause d’un semi parti en portefeuille, je me dis qu’il est temps de changer de boulot. On lui a fait un bel enterrement motard et ce jour là, les agences ont compris, les Gamma, Sipa, Stills et consorts sans parler des journaux, qu’il n’y aurait pas un motard de service.
Avant de quitter le métier, j’ai invité les potes à une dernière fiesta et on a bien rigolé. On m’a offert un caleçon Harley comme si je prenais ma retraite. Tu me vois en Harley ????