Leurs enfants après eux – Nicolas Mathieu – Actes Sud aout 2018 – 426 pages (sortie le 22 aout)

Heillange dans l’est de la France. On pense tout de suite à une autre ville et ce n’est pas pour rien : les hauts fourneaux, l’Est qui n’est pas encore Grand car nous sommes en 1992. Des ados trainent leur misère durant ce premier été, ça fume des pets, ça drague les plus belles filles du village même si c’est toujours les mêmes qui gagnent, ça fait des conneries mais les parents sont loin, occupés à leurs tafs ou leurs tâches ménagères et qui tentent tant bien que mal de contrôler l’adrénaline qui monte.

Nous allons suivre durant plusieurs étés et jusqu’à une fameuse finale de 1998 ce groupe d’ados, garçons et filles qui se connaissent, se côtoient et se jugent sans ménagement jusque dans les moindres détails. Les parents aussi, leurs dérives, leurs fatigues, leurs désarrois, leur impuissance devant les fatalités. Mais Nicolas Mathieu ne va pas se contenter de nous décrire ces vies mais va en permanence replacer son récit dans des points de vue autant sociétaux que politiques. Qu’est-ce que la société promet à ses gens qui voient leurs outils de travail fermer peu à peu ? Quel rôle croit-on avoir dans ce jeu permanent d’identification aux autres, à ce que les médias proposent déjà dans un abrutissement général et bien avant l’arrivée massive d’internet et des réseaux sociaux (on téléphone encore d’une cabine ou de chez les parents) et dans l’espoir souvent vain de parvenir à se hisser en dehors de sa classe quand bien même on arrive à posséder enfin sa piscine.

C’est cru, sexuel et diablement prenant comme un thriller social où les vies des uns et des autres s’étalent sans pudeur devant nous. On pense à « La vie de Jésus » de Dumont bien sur (1997) et c’est plutôt un compliment mais Nicolas Mathieu va plus loin dans l’analyse et nous offre des moments forts de réflexions sur ce monde et nous-mêmes quand il se permet d’écrire : « On se demandait tout de même quelle vie pouvait mener ces gens, dans leurs médiocres logis, à manger gras, s’intoxiquant de jeux et de feuilletons, faisant à longueur de temps des gosses et du malheur, éperdus, rageux, résiduels………. ». La suite, je vous laisse la découvrir.