Journal en soie (plus douce) – Saison 4 - épisode 1
La semaine commence le dimanche, le jour de la randonnée hebdomadaire et nous continuons avec Cap de parcourir les Monts de Vaucluse. Aujourd’hui découverte (pour moi) du Colorado Provençal près de Rustrel mais sous l’influence de Tesson, nous quittons les sentiers balisés à la recherche des traits noirs, ceux qui nous emmènent au fond des combes, les pieds dans les ruisseaux, sous les cascades et au pied de murs qu’il faut parfois escalader. Nous nous perdons, faisons demi-tour, tournons en rond pour se retrouver au même endroit. Ah, enfin une VMB (vieille trace bleue) genre Labande nous indique que ça peut mener quelque part. Quelques vieilles mécaniques abandonnées nous rappellent le travail qui se passait en ces lieux sous la forme de vieux compresseur ou de machines plus imposantes dans une cabane. Un peu de boulot et c’est prêt à redémarrer. Les conduits d’huile en cuivre ressemblent tellement à ceux que l’on peut trouver sur des motos anglaises que cela me fait sourire. J’arrive même à dévisser un raccord banjo qui tourne encore librement dans son logement. Je le remets en place si quelqu’un veut le restaurer. Une cave creusée dans la roche, on pourrait se croire en Jordanie….les gammes d’ocre ou de verts pâle sont magnifiques et nous passons un long moment dans ce dédale de canyons. Longue montée assez raide le long des falaises pour arriver au site touristique, au fond les cheminées. Nous profitons d’un beau promontoire pour déjeuner avec vue splendide sur le site et les montagnes en face que nous appellent déjà à une prochaine rando. C’est noté !!!!!!
Lundi drache nationale, ça donne pas envie de sortir…..
Demain je vais me faire saucer…c’est sur …
Pluie, pluie et pluie encore
Même pas peur
Ça doit être mes gènes bretons
Qui me font aimer de rouler sous la pluie
J’ai pris le vélo pour aller à la boulangerie
Habillé comme un marin
Je crains dégun
Y’avait une accalmie
De courte durée
Sur le retour y’a eu comme un grain
Épisode 2
Je m’attendais au pire et je suis passé à travers, la pluie est arrivée alors que j’étais presque à Uzès. Coup de pot. La route qui longe le Rhône est fermée pour cause de crue possible et en passant près du barrage de Vallabrègues on comprend mieux pourquoi ; le spectacle est revenu. Toutes les portes ouvertes qui crachent une eau tumultueuse et le Gardon s’est transformé en rivière de boue charriant des énormes troncs d’arbres.
Et maintenant dans ma maison numéro deux ; c’est un peu triste quand même. Le vent a arraché la fixation du volet.
C’est la quatrième semaine qui commence et son rythme associé.
Alors forcément, avec cette pluie, je n’ai pas vu grand monde à part quelques courageuses aux parapluies malmenés par le vent. Dans l’après midi ça s’est calmé et des gens sont venus chercher leurs livres commandés. Pour ma part, un Lettres à Théo, 203 lettres choisis avec des illustrations, Peter Fromm et Leo Perutz. C’est toujours ça.
Episode 3
C’est décidé, aujourd’hui je prends le vélo, la journée s’annonce sèche, je profite et j’ai bien fait. Retrouver la lenteur du déplacement et je ne mets pas vraiment plus longtemps, quelques minutes tout au plus. La petite route passe par un lieu très bucolique : une grande plaine avec un mas au fond sur un léger promontoire. C’est très reposant à regarder. Quelques cotes et c’est déjà Uzès. Le marché est vivant et je passe un moment à parler avec Jean Michel le berger. Je suis parti plus tôt pour ça, prendre mon temps.
Ah oui, je ne vous ai pas dit mais Boss a accouché alors on fait des vacations radios pour se parler. Je suis donc seul depuis mardi et ça me va bien. Les rapports avec les clientes et clients ont l’air de bien se passer. On me sert même la main en partant, ça ne m’était jamais arrivé avant. Un couple aussi qui fait le tour en disant : « De belles tables ici.» C’est sympa et comme ils viennent d’emménager à Uzès, ils me disent qu’ils ont une bibliothèque à remplir. Tant mieux. Ils peuvent tout embarquer s’ils veulent. Les allers et retours à vélo m’ont fait un bien fou mais demain c’est retour au moteur, pluie et 75 km/h de vent. Faut attendre vendredi pour que le calme revienne.
J’ai l’esprit dans les quarantièmes, je suis le Vendée Globe et je pourrais facilement comparer la librairie à un 40 pied faudra que je mesure exactement et quand la pluie vient frapper les vitrines, ça peut ressembler à des paquets de mer qui glissent sur le cockpit. Dehors le vent se lève il va falloir que je prenne un ris. Cette nuit ça va piauler.
Episode 4
Toute la nuit la dégringolade de flotte, comme prévu alors aussi comme prévu moto ce matin. Personne au rendez vous. Je passe. Du coup je suis en avance, je fais un tour dans la ville. Il n’est pas dix heures et c’est très calme. Tout le monde ouvre en même temps, visiblement. Le gris pourri au dessus de nos têtes n’empêche pas les courageux d’affronter les éléments hostiles et je les félicite. Ah, je prends la mesure de mon voilier….c’est bien ça, 40 pieds, plafond bas, pont plat. Je peux m’engager pour le Vendée…..ce qui est bien avec lui c’est qu’il ne bouge pas trop…et pourtant dehors ça secoue pas mal. Il ne me reste plus qu’à tenir le cap de la journée…..un petit 300 serait pas mal…Pour le plaisir, John Kennedy Toole, Confiteor et Shibumi. Rien de spécial à rajouter sinon une courte vacation radio avec Boss qui m’a conforté dans l’idée de ne pas recommencer l’expérience…Il n’est pas mal ce bateau mais je ne le maitrise pas complètement, y’a des trucs qu’on m’a pas dit. Tout à coup je me souviens du livre de Moitessier qui communique avec le monde en lançant ses messages avec une fronde vers les bateaux qu’il croise. On en est bien loin avec des ordinateurs qui régissent nos vies et des images comme un flot ininterrompu à tel point qu’il décide de ne pas rentrer en France alors qu’il est en tête de la course. Ce n’est pas tant ce travail en soi qui me dérange mais la manipulation de ce logiciel qui n’a de logique que ce qu’il nous impose. J’aimerais me consacrer à faire découvrir les livres que j’aime et Boss pourrait m’épargner quelques réflexions inutiles. En fait je m’en fiche un peu je ne suis là que pour 8 semaines mais c’est toujours un peu fatigant de se voir reprocher des détails mais c’est souvent ainsi.
Episode 5
Les nuits se suivent et se ressemblent et le martellement incessant de la pluie sur la fenêtre ne présage pas des baisses de niveaux mais certainement des activités. On prévoit une accalmie……je vais sortir la grand ‘voile. Je retrouve Guy au marché, j’achète quelques trucs chez la dame sympa, une dernière grosse averse et c’est le soleil qui arrive enfin, je prends le vélo. Pile poil à l’heure, c’est que du bonheur. Au passage de la grande, plaine la lumière est tout simplement magnifique. Le voyage lent prend tout son sens.
Du passage, du passage tout le monde qui vient récupérer ses livres, ça fait du bien de voir des gens et même des qui me disent que c’est la première fois qu’ils viennent. Mais entrez donc braves gens !!!!! Bel échange avec P. Chavagné, un écrivain d’ici qui a tout de même déjà publié chez Grasset (Auteur academy). Bientôt son nouveau livre chez Albin Michel : « Les Duellistes » et naturellement nous évoquons le premier film de Ridley Scott au titre identique et qui m’avait fortement marqué à l’époque (1976). Nous parlons aussi de nos lectures chez Gallmeister, presque tout le catalogue nous enchante : Trevanian, Abbey, Stegner, McMurtry bien sur et son magnifique Lonesome Dove. . Après le boulot je retrouve Guy pour une dégustation de vin « De grappes et d’O ». Le 100% syrah tient bien la route. Nous rentrons ensemble à vélo mais le froid est revenu en douce. Ça pique de nouveau.
Episode 6
Dernier jour de boulot pour cette quatrième semaine. On ne peut pas dire que ça été la folie, peut-être du au fait que la semaine a été pourrite et que les gens profitent du beau temps pour sorti ??? Les champignons par exemple ?? Ce qui est sur, c’est que je ne vais pas être beaucoup dérangé. J’ai même failli m’endormir alors j’en profiter pour écouter la série sur Jack London de FranceCu. Yves Simon qui parle (il est l’auteur d’une bio sur l’écrivain), d’autres voix qui évoquent le passé incroyable de cet homme car c’est vraiment plus qu’une vie que cette homme a vécu. On est subjugué par cette foison d’énergie, ce désir de vivre si intensément. A quinze ans on ne compte plus ses multiples boulots. Deux épisodes et nous n’en sommes qu’à ses 17 ans……il part pour trois mois en campagne de chasse aux phoques et il note la barbarie des hommes pour satisfaire la poignée de celles qui peuvent s’offrir ces fourrures. Il prend peu à peu conscience qu’il devrait plutôt mettre sa force sur la dénonciation d’une société déjà trop inégalitaire plutôt que de s’épuiser à travailler comme pour des patrons qui l’exploitent (« Même les bêtes travaillent moins et les forçats aussi ») d’où cette volonté de reprendre ses études.
Quand même quelques bons moments avec des clients comme cette femme qui me dit que le soir du concert Kanak, elle a rencontré ici même une personne qui lui a fait trouver la maison qu’elle cherchait. La librairie est donc un endroit particulier et elle vient y faire aujourd’hui ses premiers achats. Visite de Yan mon tatoueur pour des bédés dont je n’imagine même pas l’existence. Pour résumer, Cherfi, Stegner, Springsteen entre autres et Linda lé aussi, plus rare.
Je rentre, la ritournelle des allers et retours, route de nuit, fraiche mais agréable. Le flat ronronne et il ne pleut pas….c’est magnifique….
Maison !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!